La transition énergétique du secteur automobile s'accélère à un rythme sans précédent. Avec plus de 14 millions de véhicules électriques à batterie (VEB) en circulation mondiale en 2023, cette technologie semble désormais solidement implantée dans notre paysage urbain. Pourtant, de nombreuses questions persistent quant à leur viabilité à long terme. Entre les besoins réels des consommateurs, les défis technologiques liés aux batteries, l'impact environnemental réel de leur production, et l'émergence de technologies alternatives, le chemin vers une mobilité décarbonée reste semé d'embûches. L'interdiction programmée des moteurs thermiques en Europe d'ici 2035 place les constructeurs face à un défi considérable, tant sur le plan industriel qu'économique. De leur côté, les consommateurs s'interrogent sur la pertinence d'investir dans cette technologie coûteuse, entre incitations fiscales fluctuantes et préoccupations concernant l'autonomie.

L'état actuel du marché des véhicules électriques à batterie (VEB)

Le marché des VEB connaît une croissance exponentielle avec une augmentation annuelle moyenne de 40% depuis 2019. En 2023, la part de marché mondiale des VEB a atteint 14%, contre seulement 2,5% en 2019. Cette progression fulgurante s'explique notamment par l'amélioration des performances techniques, la baisse progressive des coûts de production et les politiques incitatives mises en place par de nombreux gouvernements. La Chine domine largement ce marché avec 60% des ventes mondiales, suivie par l'Europe (25%) et les États-Unis (10%).

L'écosystème industriel des VEB s'est considérablement développé, avec l'émergence de nouveaux acteurs spécialisés dans la production de batteries, de systèmes de gestion d'énergie et d'infrastructures de recharge. Cette dynamique a bouleversé la hiérarchie traditionnelle du secteur automobile, plaçant des constructeurs comme Tesla et BYD parmi les plus valorisés au monde, devant des géants historiques comme Toyota ou Volkswagen.

Analyse comparative des ventes entre tesla model 3, renault zoe et volkswagen ID.3

Les trois modèles emblématiques que sont la Tesla Model 3, la Renault Zoe et la Volkswagen ID.3 illustrent parfaitement les différentes approches stratégiques des constructeurs face au marché des VEB. En 2023, la Tesla Model 3 a consolidé sa position de leader avec plus de 482 000 unités vendues dans le monde, malgré une baisse de prix significative ayant affecté ses marges. La Renault Zoe, pionnière en Europe, a vu ses ventes diminuer à 63 000 unités, signalant la fin d'un cycle pour ce modèle vieillissant. La Volkswagen ID.3, avec ses 171 000 unités écoulées, s'impose progressivement comme une alternative crédible, notamment grâce à son positionnement tarifaire plus accessible.

Ces chiffres révèlent une polarisation du marché entre les modèles premium proposant une grande autonomie (>450 km) et des fonctionnalités avancées, et les modèles compacts urbains plus abordables mais limités en autonomie (250-350 km). Le segment intermédiaire peine encore à trouver son public, malgré les efforts des constructeurs généralistes pour proposer des VEB polyvalents à prix raisonnable.

L'impact de la politique ZFE (zone à faibles émissions) sur l'adoption des VEB en France

Le déploiement très controversé des Zones à Faibles Émissions (ZFE) dans les grandes métropoles françaises constitue un puissant accélérateur pour l'adoption des VEB. À Paris, Lyon, Marseille, Strasbourg et d'autres agglomérations de plus de 150 000 habitants, les restrictions progressives de circulation pour les véhicules les plus polluants créent une forte incitation à l'électrification. En 2023, les immatriculations de VEB dans les métropoles concernées par les ZFE ont augmenté de 47%, contre 31% au niveau national.

Cette dynamique est particulièrement marquée dans les flottes d'entreprises, qui anticipent l'interdiction programmée des véhicules Crit'Air 2 (diesel récents et essence anciens) d'ici 2025-2028 selon les agglomérations. Pour les ménages modestes résidant dans ces zones, la transition reste plus complexe malgré les aides cumulées (bonus écologique, prime à la conversion, aides locales) qui peuvent atteindre jusqu'à 19 000 € dans certains cas. Le dispositif est remis en question du fait des grandes inégalités qu'il créé au sein des populations françaises.

Les infrastructures de recharge rapide en Europe : déploiement du réseau IONITY

L'infrastructure de recharge constitue un élément clé pour l'adoption massive des VEB. Le consortium IONITY, formé par BMW, Ford, Hyundai, Mercedes-Benz et Volkswagen Group, joue un rôle crucial dans le déploiement de stations de recharge ultra-rapide (jusqu'à 350 kW) le long des grands axes européens. Fin 2023, IONITY comptait plus de 2 800 points de charge répartis sur 430 stations dans 24 pays européens.

Ces infrastructures permettent de recharger un VEB moderne de 20% à 80% en 20 à 30 minutes, rendant les trajets longue distance plus praticables. Toutefois, le réseau reste inégalement réparti, avec une forte concentration en Allemagne, France et Royaume-Uni, tandis que l'Europe du Sud et de l'Est accusent un retard significatif. Les tarifs pratiqués (0,69 €/kWh en moyenne) restent également élevés comparés à une recharge à domicile (0,17 €/kWh en moyenne), ce qui questionne la viabilité économique des VEB pour les utilisateurs réalisant fréquemment de longs trajets.

Subventions gouvernementales françaises et leur évolution depuis le bonus écologique de 2018

Depuis l'introduction du bonus écologique renforcé en 2018, la politique française d'incitation à l'achat de VEB a connu plusieurs évolutions significatives. Le montant maximal de cette aide a progressivement diminué, passant de 6 000 € en 2018 à 4 000 € en 2024 pour les ménages aux revenus intermédiaires, et 7 000 € pour les ménages modestes. En parallèle, les critères d'éligibilité se sont durcis, avec l'introduction d'un plafond de prix (désormais fixé à 47 000 €) et l'exclusion progressive des véhicules fabriqués hors d'Europe.

Cette stratégie de réduction graduelle des aides vise à accompagner la baisse attendue des coûts de production des VEB tout en limitant l'impact budgétaire pour l'État. Elle s'accompagne d'une réorientation vers des aides ciblées pour les ménages modestes et les zones à faibles émissions, dans une logique de justice sociale. L'efficacité de cette approche reste toutefois contrastée : si les VEB représentent désormais 16,8% des immatriculations de véhicules neufs en France, leur adoption reste fortement corrélée aux fluctuations du montant des aides.

Défis technologiques des batteries lithium-ion

Malgré les progrès considérables réalisés ces dernières années, les batteries lithium-ion actuelles restent confrontées à plusieurs limitations fondamentales. Leur densité énergétique théorique maximale approche des limites physiques, avec environ 250-300 Wh/kg pour les meilleures technologies commerciales, loin des 1 000 Wh/kg de l'essence. Cette réalité physique impose des compromis entre autonomie, poids et coût qui contraignent fortement la conception des VEB.

La durabilité des batteries constitue un autre défi majeur. Les cellules lithium-ion actuelles perdent typiquement 20 à 30% de leur capacité après 1 000 à 1 500 cycles complets, soit environ 8 à 10 ans d'utilisation dans des conditions optimales. Pour les constructeurs, cette dégradation programmée soulève des questions cruciales concernant la garantie des batteries (généralement limitée à 8 ans ou 160 000 km) et la valeur résiduelle des véhicules sur le marché de l'occasion.

Limites physiques des anodes graphite et cathodes NMC/NCA actuelles

Les batteries lithium-ion conventionnelles utilisent des anodes en graphite et des cathodes de type NMC (Nickel-Manganèse-Cobalt) ou NCA (Nickel-Cobalt-Aluminium). Ces matériaux approchent désormais de leurs limites théoriques en termes de densité énergétique. L'anode graphite, avec sa capacité spécifique de 372 mAh/g, ne peut stocker qu'un ion lithium pour six atomes de carbone, ce qui constitue une limitation fondamentale. Les cathodes NMC les plus avancées (NMC 811, contenant 80% de nickel) atteignent environ 200 mAh/g, mais leur stabilité diminue proportionnellement à l'augmentation de la teneur en nickel.

Ces contraintes physico-chimiques expliquent pourquoi les gains d'autonomie des VEB ces dernières années proviennent davantage de l'augmentation de la taille des batteries que d'améliorations significatives de la densité énergétique. Cette approche atteint cependant ses limites en termes de poids, de coût et d'empreinte écologique. Sans rupture technologique majeure , l'autonomie des VEB semble condamnée à plafonner autour de 700-800 km dans des conditions optimales, bien en-deçà des 1 000-1 200 km couramment atteints par les véhicules thermiques.

Problématiques d'approvisionnement en cobalt et nickel : dépendance envers la RDC et l'indonésie

La chaîne d'approvisionnement des batteries lithium-ion présente d'importantes vulnérabilités géopolitiques. Le cobalt, composant essentiel des cathodes haute performance, provient à 70% de la République Démocratique du Congo (RDC), où l'extraction est entachée de problèmes éthiques et environnementaux majeurs. Selon l'UNICEF, plus de 40 000 enfants travaillent dans ces mines dans des conditions dangereuses. Le nickel, dont la demande pourrait tripler d'ici 2030, est fortement concentré en Indonésie (40% de la production mondiale) et aux Philippines.

Cette dépendance envers des sources d'approvisionnement géographiquement concentrées et politiquement instables expose l'industrie des VEB à des risques significatifs de rupture d'approvisionnement et de volatilité des prix. Entre 2020 et 2022, le prix du cobalt a ainsi fluctué entre 30 000 et 82 000 $/tonne, tandis que celui du nickel a connu une hausse spectaculaire atteignant brièvement 100 000 $/tonne en mars 2022. Ces variations imprévisibles compliquent considérablement la planification industrielle des constructeurs et la réduction des coûts des batteries.

Vieillissement prématuré des cellules lors des cycles de charge rapide (>150 kw)

La recharge ultra-rapide, bien que séduisante pour les utilisateurs, représente un défi majeur pour la longévité des batteries. Les tests en laboratoire et les données de véhicules en circulation montrent qu'une utilisation fréquente de chargeurs délivrant plus de 150 kW accélère significativement la dégradation des cellules. Ce phénomène s'explique principalement par l'augmentation de la température interne et la formation accélérée d'une couche d'interface solide-électrolyte (SEI) qui réduit progressivement la capacité utilisable.

Les constructeurs tentent de limiter ces effets néfastes par différentes stratégies : systèmes de refroidissement liquide sophistiqués, courbes de charge adaptatives qui réduisent la puissance au-delà de 80% de charge, et limitation logicielle du nombre de charges rapides consécutives. Malgré ces précautions, l'utilisation régulière de la recharge rapide peut réduire la durée de vie d'une batterie de 20 à 30%, créant un paradoxe pour les utilisateurs : l'une des fonctionnalités les plus valorisées des VEB modernes est aussi celle qui compromet leur durabilité.

La controverse des batteries LFP chinoises : entre durabilité et densité énergétique réduite

Face aux limitations des batteries NMC/NCA, la technologie LFP (Lithium-Fer-Phosphate) connaît un regain d'intérêt significatif. Dominée par les fabricants chinois comme CATL et BYD, cette chimie offre plusieurs avantages déterminants : absence de cobalt et de nickel, coût de production inférieur de 30% à celui des NMC, durée de vie supérieure (jusqu'à 3 000 cycles avant d'atteindre 80% de capacité) et meilleure sécurité thermique. Ces caractéristiques expliquent pourquoi les batteries LFP équipent désormais plus de 50% des VEB vendus en Chine.

Le principal inconvénient des batteries LFP réside dans leur densité énergétique plus faible (140-160 Wh/kg contre 220-270 Wh/kg pour les NMC). Cette limitation contraint les constructeurs à un compromis difficile : soit augmenter la taille et le poids de la batterie pour maintenir l'autonomie, soit accepter une autonomie réduite de 20 à 30%. De plus, les performances des LFP se dégradent plus rapidement à basse température, nécessitant des systèmes de préchauffage plus performants dans les climats froids. Cette technologie robuste et économique semble ainsi mieux adaptée aux véhicules urbains et aux segments d'entrée de gamme qu'aux berlines premium ou aux SUV longue distance.

Empreinte environnementale réelle des VEB

L'argument écologique constitue la principale justification de la transition vers les VEB, présentés comme une solution "zéro émission" à l'usage. Cette vision, bien que partiellement fondée, occulte cependant la réalité plus complexe de leur empreinte environnementale globale. Une analyse rigoureuse nécessite de considérer l'ensemble du cycle de vie des véhicules, depuis l'extraction des matières premières jusqu'à leur fin de vie, en passant par la production, l'utilisation et la maintenance.

Cette approche révèle que si les VEB permettent effectivement de réduire les émissions de gaz à effet de s

erre de 50 à 70% sur l'ensemble de leur cycle de vie par rapport aux modèles thermiques équivalents, cette performance est fortement conditionnée par plusieurs facteurs : l'origine de l'électricité utilisée pour la recharge, la durée d'utilisation du véhicule, et surtout l'empreinte initiale de fabrication, particulièrement celle de la batterie.

Analyse du cycle de vie complet selon la méthodologie ADEME 2022

L'Agence de l'Environnement et de la Maîtrise de l'Énergie (ADEME) a publié en 2022 une étude approfondie utilisant la méthodologie d'Analyse du Cycle de Vie (ACV) pour évaluer l'impact environnemental réel des VEB. Cette méthodologie standardisée selon les normes ISO 14040 et 14044 prend en compte l'ensemble des étapes du cycle de vie : extraction des matières premières, production des composants, assemblage, phase d'usage (incluant production d'électricité), maintenance et fin de vie. Les résultats confirment que la phase de fabrication d'un VEB génère entre 1,5 et 2 fois plus d'émissions de CO₂ qu'un véhicule thermique comparable, principalement en raison de la production de la batterie.

Selon cette étude, un VEB de segment C avec une batterie de 60 kWh émet environ 16,5 tonnes d'équivalent CO₂ lors de sa fabrication, contre 8,5 tonnes pour son équivalent thermique. Cette "dette carbone" initiale est progressivement compensée pendant la phase d'utilisation, grâce aux émissions plus faibles à l'usage. Le "point de bascule" intervient après 30 000 à 50 000 km en France (où l'électricité est peu carbonée), mais peut atteindre 100 000 km dans des pays où l'électricité provient majoritairement de centrales à charbon. L'ADEME conclut que pour maximiser le bénéfice environnemental des VEB, il est crucial de prolonger leur durée de vie bien au-delà de 200 000 km, d'utiliser de l'électricité bas-carbone, et de privilégier des véhicules aux batteries correctement dimensionnées.

Comparaison des émissions de CO2 entre la peugeot e-208 et sa version thermique

La comparaison entre la Peugeot e-208 électrique et sa version thermique (Peugeot 208 PureTech 100) offre une illustration concrète des différences d'empreinte carbone. La e-208, équipée d'une batterie de 50 kWh, génère environ 13,8 tonnes d'équivalent CO₂ lors de sa fabrication, dont 7,2 tonnes imputables à la seule batterie. En comparaison, la 208 PureTech émet environ 7,5 tonnes de CO₂ pendant sa production. Cette différence de 6,3 tonnes constitue la "dette carbone" initiale de la version électrique.

En phase d'utilisation, la situation s'inverse radicalement. Selon le mix électrique français (environ 60g CO₂/kWh en moyenne), la e-208 émet approximativement 12g de CO₂/km en tenant compte des pertes de recharge, contre 120g/km pour la version essence en conditions réelles d'utilisation. Ce différentiel de 108g/km permet à la e-208 de compenser sa dette carbone initiale après environ 58 000 km. Sur une durée de vie de 250 000 km, l'empreinte carbone totale de la e-208 s'établit à 16,8 tonnes de CO₂, contre 37,5 tonnes pour la version thermique, soit une réduction de 55%. Cette performance s'améliore encore davantage si le véhicule est rechargé exclusivement avec de l'électricité d'origine renouvelable.

L'impact de l'extraction du lithium dans le "triangle du lithium" (chili, argentine, bolivie)

Le "triangle du lithium", région chevauchant le Chili, l'Argentine et la Bolivie, concentre environ 58% des réserves mondiales de ce métal stratégique. L'extraction s'y effectue principalement par évaporation de saumures dans d'immenses bassins à ciel ouvert. Cette méthode, bien que moins énergivore que l'extraction minière traditionnelle, soulève d'importantes préoccupations environnementales. Dans les déserts d'Atacama (Chili) et de Hombre Muerto (Argentine), l'extraction d'une tonne de lithium nécessite entre 400 000 et 2 millions de litres d'eau, une ressource extrêmement précieuse dans ces régions arides.

Les conséquences écologiques et sociales sont considérables. L'abaissement des nappes phréatiques menace les écosystèmes fragiles de ces zones désertiques et affecte les communautés autochtones qui dépendent de ces ressources hydriques. Au Chili, où l'exploitation est la plus intensive, des études ont révélé une diminution significative de la biodiversité dans les zones adjacentes aux sites d'extraction et une contamination croissante des sols par des résidus chimiques. Face à ces impacts, des mouvements de résistance se développent parmi les populations locales, comme les communautés Atacameñas au Chili ou Kolla en Argentine, qui revendiquent leur droit à l'eau et exigent des compensations pour les dommages subis. Cette situation soulève des questions éthiques majeures quant à la justice environnementale de la transition vers les VEB, dont les bénéfices écologiques dans les pays développés pourraient se faire au détriment des écosystèmes et populations vulnérables des pays producteurs.

Recyclabilité des batteries : technologies de recyclage northvolt et redwood materials

Face aux défis environnementaux liés à l'extraction de matières premières, le recyclage des batteries émerge comme une solution prometteuse pour réduire l'empreinte écologique des VEB. Deux entreprises pionnières illustrent les avancées dans ce domaine : Northvolt en Europe et Redwood Materials aux États-Unis. Northvolt, fabricant suédois fondé par d'anciens dirigeants de Tesla, a développé un procédé nommé "Revolt" permettant de récupérer jusqu'à 95% des métaux contenus dans les batteries en fin de vie (lithium, nickel, manganèse, cobalt). Sa première usine de recyclage à grande échelle, inaugurée à Skellefteå en 2022, devrait traiter 125 000 tonnes de batteries annuellement d'ici 2030, fournissant jusqu'à 30% des matériaux nécessaires à sa production de cellules neuves.

De l'autre côté de l'Atlantique, Redwood Materials, fondée par l'ancien directeur technique de Tesla JB Straubel, propose une approche similaire mais appliquée à l'ensemble de la chaîne de valeur. L'entreprise développe un écosystème complet intégrant collecte, recyclage et production de matériaux pour batteries, avec une capacité prévue de 20 GWh d'ici 2025. Sa technologie propriétaire permet de récupérer plus de 98% du lithium, une performance remarquable comparée aux procédés conventionnels qui négligeaient souvent ce métal. Ces innovations sont cruciales car elles transforment progressivement le modèle économique des batteries : d'un système linéaire basé sur l'extraction continue de ressources vierges vers une économie circulaire où les batteries en fin de vie deviennent la "mine" des batteries futures. Toutefois, la généralisation de ces solutions se heurte encore à plusieurs obstacles : volumes insuffisants de batteries en fin de vie, complexité logistique de la collecte, et diversité des chimies qui complique le traitement standardisé.

Alternatives technologiques émergentes

Face aux limitations inhérentes aux batteries lithium-ion actuelles, plusieurs technologies alternatives émergent comme des solutions potentiellement complémentaires ou concurrentes. Ces innovations visent à résoudre les principaux points faibles des VEB : autonomie limitée, temps de recharge longs, dépendance aux matériaux critiques et durabilité contestée. Trois voies principales se distinguent : l'hydrogène et les piles à combustible, les batteries à électrolyte solide, et les véhicules hybrides rechargeables nouvelle génération. Chacune présente des avantages spécifiques mais aussi des défis considérables pour atteindre une maturité commerciale et industrielle.

L'hydrogène et les piles à combustible : le cas toyota mirai et hyundai nexo

La technologie des piles à combustible convertit l'hydrogène en électricité, ne rejetant que de l'eau et de la chaleur. Cette approche offre plusieurs avantages théoriques par rapport aux VEB traditionnels : une autonomie comparable aux véhicules thermiques (600-700 km), un temps de ravitaillement de 3 à 5 minutes, et une dégradation des performances beaucoup moins prononcée dans le temps ou par basses températures. Toyota et Hyundai se sont positionnés comme les champions de cette technologie, avec respectivement la Mirai (deuxième génération lancée en 2020) et le Nexo (commercialisé depuis 2018).

Ces véhicules démontrent la viabilité technique de cette solution mais se heurtent à d'importants obstacles. Le premier est économique : la Mirai est commercialisée à partir de 69 000 € et le Nexo à 72 000 €, des tarifs prohibitifs malgré les subventions. Le second est infrastructurel : la France ne compte qu'une vingtaine de stations hydrogène accessibles au public, principalement concentrées autour de Paris et Lyon. Enfin, l'hydrogène utilisé provient encore à 95% de sources fossiles (vaporeformage du méthane), générant ainsi 9 kg de CO₂ par kg d'H₂ produit. L'hydrogène "vert" produit par électrolyse de l'eau à partir d'électricité renouvelable reste 3 à 4 fois plus cher et ne représente qu'une fraction marginale de la production. Ces contraintes expliquent pourquoi, malgré des investissements massifs (7,2 milliards d'euros prévus dans le plan France 2030), cette technologie peine à dépasser le stade de la niche expérimentale, avec seulement 15 000 véhicules à pile à combustible en circulation en Europe en 2023.

Batteries à électrolyte solide : avancées de QuantumScape et Toyota/Panasonic

Les batteries à électrolyte solide représentent potentiellement la prochaine révolution dans le domaine du stockage d'énergie. En remplaçant l'électrolyte liquide des batteries lithium-ion conventionnelles par un matériau solide (céramique ou polymère), cette technologie promet des améliorations majeures : densité énergétique augmentée de 70 à 100% (permettant théoriquement 1 000 km d'autonomie), temps de charge divisé par trois (de 20% à 80% en 15 minutes), sécurité accrue (élimination des risques d'incendie liés à l'électrolyte liquide inflammable), et durée de vie doublée (jusqu'à 3 000 cycles).

Deux acteurs se démarquent particulièrement dans cette course technologique. QuantumScape, start-up américaine soutenue par Volkswagen à hauteur de 300 millions de dollars, a annoncé des résultats prometteurs avec son prototype utilisant un électrolyte céramique. Ses cellules auraient démontré en laboratoire une capacité de rétention de 80% après 800 cycles complets et une recharge de 10% à 80% en 15 minutes. De son côté, le partenariat Toyota-Panasonic progresse sur une technologie différente utilisant un électrolyte polymère. Toyota a présenté en juin 2023 un prototype fonctionnel promettant 1 200 km d'autonomie pour une commercialisation envisagée d'ici 2027-2028. Malgré ces annonces encourageantes, d'importants défis techniques persistent, notamment la conductivité ionique insuffisante à température ambiante, les difficultés de production à grande échelle, et la formation de dendrites (excroissances de lithium) qui peuvent provoquer des courts-circuits. Ces obstacles expliquent pourquoi, malgré des investissements cumulés dépassant 2 milliards de dollars, cette technologie reste à l'horizon 2025-2030 pour une industrialisation massive.

Modèles hybrides rechargeables : solution transitoire ou technologie complémentaire?

Les véhicules hybrides rechargeables (PHEV) combinent un moteur thermique et une batterie rechargeable offrant 50 à 100 km d'autonomie électrique. Initialement présentés comme une technologie de transition, ils connaissent un regain d'intérêt face aux limitations actuelles des VEB. En 2023, ils représentaient 8,4% du marché européen, avec une croissance annuelle de 28%. Cette popularité s'explique par leur polyvalence : ils permettent une utilisation quotidienne en mode électrique tout en conservant la possibilité d'effectuer de longs trajets sans contrainte de recharge.

Cependant, leur contribution réelle à la réduction des émissions fait débat. Des études menées par l'ICCT (International Council on Clean Transportation) révèlent que les PHEV émettent en conditions réelles d'utilisation 2 à 4 fois plus de CO₂ que les valeurs homologuées. Ce décalage s'explique principalement par une utilisation sous-optimale du mode électrique : de nombreux utilisateurs, particulièrement les flottes d'entreprises, ne rechargent que rarement leur véhicule. De plus, les PHEV actuels souffrent d'une double inefficience : un surpoids significatif (200-300 kg) qui pénalise la consommation en mode thermique et une complexité mécanique accrue qui augmente les coûts de maintenance.

Face à ces critiques, les constructeurs développent une nouvelle génération de PHEV avec des autonomies électriques étendues (120-150 km) et des systèmes intelligents qui optimisent l'utilisation de chaque motorisation selon le trajet. Mercedes avec sa technologie "Vision EQXX" ou BMW avec sa "Power of Choice" illustrent cette approche qui positionne l'hybride rechargeable non plus comme une simple transition mais comme une solution complémentaire aux VEB, particulièrement adaptée aux utilisateurs ayant des besoins de mobilité très variables. Cette complémentarité pourrait perdurer au-delà de 2035, certains constructeurs plaidant pour une révision de l'interdiction européenne des moteurs thermiques pour inclure les PHEV utilisant des carburants synthétiques neutres en carbone.