Le moteur automobile représente l'une des inventions les plus transformatrices de l'histoire moderne. Cette merveille mécanique a radicalement changé notre rapport à la mobilité et façonné les sociétés contemporaines. Depuis les premiers prototypes rudimentaires jusqu'aux groupes motopropulseurs électriques sophistiqués d'aujourd'hui, l'évolution des moteurs témoigne d'une quête incessante de performance, d'efficacité et, plus récemment, de durabilité environnementale. Les innovations successives - du moteur à vapeur au moteur à combustion interne, puis aux technologies hybrides et électriques - illustrent parfaitement la capacité humaine à repousser les frontières de l'ingénierie. Cette évolution n'a pas seulement transformé nos modes de déplacement ; elle a également redéfini des industries entières, bouleversé l'urbanisme et redessiné la carte géopolitique mondiale par le biais de l'économie du pétrole.
Les précurseurs du moteur à combustion interne : lenoir, otto et beau de rochas
L'histoire des moteurs automobiles modernes trouve ses racines dans la seconde moitié du XIXe siècle. En 1859, l'ingénieur belge Étienne Lenoir réalise une percée significative en développant un moteur à combustion interne fonctionnel, alimenté au gaz d'éclairage. Son invention, bien que limitée par un rendement énergétique médiocre d'environ 5%, représente néanmoins la première application viable du principe de combustion interne pour générer une force motrice. Ce moteur à deux temps, dépourvu de compression préalable, ouvre la voie à une série d'innovations cruciales pour l'industrie automobile naissante.
Le véritable bond technologique survient quelques années plus tard avec les travaux d'Alphonse Beau de Rochas. En 1862, cet ingénieur français établit les principes théoriques du cycle à quatre temps, une avancée conceptuelle majeure qui posera les fondements des moteurs modernes. Beau de Rochas comprend l'importance capitale de la compression préalable du mélange air-carburant pour améliorer le rendement, mais il ne concrétise pas ses théories par un prototype fonctionnel. Son brevet, déposé en 1862, reste largement méconnu jusqu'à ce que d'autres inventeurs parviennent à mettre en application ses principes fondamentaux.
C'est l'ingénieur allemand Nikolaus August Otto qui concrétise ces concepts théoriques en développant, en 1876, le premier moteur à quatre temps véritablement opérationnel. Ce moteur, qui fonctionne selon ce qu'on appelle désormais le "cycle Otto", améliore considérablement le rendement énergétique par rapport au moteur de Lenoir. Sa conception intègre les phases d'admission, de compression, de combustion et d'échappement, établissant ainsi le prototype de base qui inspirera tous les moteurs à combustion interne ultérieurs.
Le moteur à quatre temps représente l'une des avancées techniques les plus déterminantes de l'ère industrielle, transformant fondamentalement notre rapport à l'énergie et à la mobilité. Sa conception ingénieuse a ouvert la voie à plus d'un siècle d'innovations continues.
Contrairement aux machines à vapeur volumineuses et inefficaces de l'époque, ces premiers moteurs à combustion interne offraient un rapport puissance/poids nettement supérieur. Cette caractéristique s'avérera cruciale pour le développement ultérieur de véhicules automobiles compacts et performants. Le moteur d'Otto atteignait un rendement de 14%, soit près de trois fois supérieur à celui de Lenoir, illustrant ainsi l'impact considérable des innovations en matière de compression et de cycle thermodynamique.
Les bases théoriques et techniques établies par ces pionniers permettront bientôt l'émergence de la véritable automobile moderne, propulsée par un moteur à essence léger et suffisamment puissant pour assurer une mobilité pratique. La table était mise pour l'avènement de figures comme Karl Benz et Gottlieb Daimler, qui transformeraient ces innovations en produits commerciaux viables, marquant ainsi le véritable début de l'ère automobile.
L'ère révolutionnaire du moteur à explosion de karl benz et gottlieb daimler
L'ère révolutionnaire du moteur à explosion s'est véritablement concrétisée grâce aux contributions majeures de Karl Benz et Gottlieb Daimler, deux inventeurs allemands dont les travaux ont convergé pour créer les fondements de l'industrie automobile moderne. Leur approche différente mais complémentaire a permis de transformer un concept théorique en réalité commerciale. Tandis que Benz se concentrait sur l'intégration complète d'un moteur dans un véhicule conçu spécifiquement à cet effet, Daimler perfectionnait le moteur lui-même pour le rendre plus léger, plus puissant et plus adaptable à diverses applications.
Cette période d'innovation intense, entre 1885 et 1900, a vu l'émergence d'innovations fondamentales comme le carburateur à mèche, le système d'allumage par magnéto et les premiers systèmes de refroidissement efficaces. Ces développements techniques ont contribué à résoudre les problèmes initiaux de fiabilité et de performance qui limitaient l'adoption généralisée des véhicules motorisés. Le perfectionnement des systèmes de transmission et d'embrayage a également joué un rôle crucial dans l'amélioration de l'expérience de conduite et de la maniabilité des premiers véhicules automobiles.
Le Patent-Motorwagen de karl benz (1886) : premier véhicule à essence commercialisé
Le 29 janvier 1886 marque une date charnière dans l'histoire de l'automobile avec le dépôt du brevet DRP-37435 par Karl Benz pour son "véhicule propulsé par un moteur à gaz". Ce Patent-Motorwagen représente bien plus qu'une simple invention : c'est le premier véhicule conçu spécifiquement autour d'un moteur à combustion interne, et non une adaptation d'une calèche ou d'un chariot existant. Sa conception intégrée témoigne d'une vision révolutionnaire qui allait transformer fondamentalement le transport personnel.
Le moteur monocylindre horizontal de 954 cm³ développait une puissance modeste de 0,75 cheval à 400 tr/min, soit environ 0,55 kW. Malgré cette puissance limitée, le véhicule à trois roues atteignait une vitesse maximale d'environ 16 km/h, une performance remarquable pour l'époque. L'allumage était assuré par un système électrique alimenté par une batterie, tandis que le refroidissement s'effectuait par évaporation, une solution simple mais efficace pour les faibles puissances développées.
La commercialisation du Patent-Motorwagen débute véritablement en 1888, après plusieurs améliorations apportées par Benz. Le voyage historique de Bertha Benz, épouse de l'inventeur, qui parcourt 106 kilomètres entre Mannheim et Pforzheim en août 1888, constitue le premier voyage longue distance en automobile de l'histoire et une formidable démonstration des capacités pratiques du véhicule. Cet événement, largement médiatisé, contribue significativement à l'acceptation publique de cette nouvelle technologie.
Le moteur daimler type P quatre temps (1889) : naissance de la marque mercedes
Parallèlement aux travaux de Benz, Gottlieb Daimler et son collaborateur Wilhelm Maybach poursuivent leur propre vision du moteur à combustion interne. En 1889, ils dévoilent le moteur Daimler Type P, une conception révolutionnaire qui se distingue par sa légèreté et sa compacité. Ce moteur bicylindre en V à 15°, capable de tourner à la vitesse alors extraordinaire de 700 tr/min, représente une avancée considérable en termes de rapport puissance/poids.
L'innovation majeure du moteur Type P réside dans son système d'admission à "champignon flottant", un type de carburateur qui permet un meilleur mélange air-carburant et donc une combustion plus efficace. Ce système remplace avantageusement les carburateurs à surface ou à mèche utilisés précédemment. Le moteur Type P est également équipé d'un système d'allumage par tube incandescent, plus fiable que les systèmes à étincelle de l'époque pour les hauts régimes.
Ce moteur compact trouve rapidement des applications diverses, depuis les automobiles jusqu'aux bateaux et même aux dirigeables, illustrant la polyvalence de la conception de Daimler. En 1890, la fondation de la Daimler-Motoren-Gesellschaft (DMG) marque le début de la production industrielle de ces moteurs. Cette entreprise deviendra plus tard le berceau de la marque Mercedes, après que l'homme d'affaires Emil Jellinek commande une série de véhicules performants portant le nom de sa fille, Mercedes.
La course à la puissance : de la panhard & levassor 1891 à la ford model T
La période entre 1891 et 1908 est marquée par une véritable course à la puissance et à l'amélioration des performances. Les constructeurs français Panhard & Levassor acquièrent la licence du moteur Daimler et introduisent en 1891 leur première automobile, établissant une architecture qui deviendra la norme : moteur avant, transmission par arbre, propulsion arrière. Cette configuration, connue sous le nom de "système Panhard", s'impose rapidement comme standard dans l'industrie naissante.
Les compétitions automobiles jouent un rôle catalyseur dans l'évolution technique des moteurs. La course Paris-Bordeaux-Paris de 1895, remportée par Émile Levassor sur une Panhard à moteur Daimler de 1205 cm³ développant 4 chevaux, stimule l'innovation. Au tournant du siècle, la puissance des moteurs augmente rapidement, passant de quelques chevaux à plus de 100 chevaux pour les véhicules de compétition comme les Mercedes 60 HP de 1903.
L'apogée de cette première ère d'innovation arrive avec la Ford Model T en 1908. Son moteur quatre cylindres en ligne de 2,9 litres développant 20 chevaux représente un équilibre optimal entre performance, fiabilité et coût de production. L'introduction des techniques de production de masse par Henry Ford transforme l'automobile d'un objet de luxe en un produit accessible à la classe moyenne, marquant le véritable début de la motorisation de masse.
L'héritage technique du moteur monocylindre de Dion-Bouton
Dans cette période d'effervescence, le constructeur français De Dion-Bouton joue un rôle souvent sous-estimé mais crucial dans le développement des moteurs automobiles. Son moteur monocylindre à haute vitesse, introduit en 1895, représente une innovation significative avec son régime de rotation élevé pour l'époque (jusqu'à 1500 tr/min) et son système d'allumage par bougie électrique.
Ce moteur compact, léger et relativement puissant pour sa taille devient rapidement un standard de l'industrie. De Dion-Bouton le produit non seulement pour ses propres véhicules, mais le commercialise également auprès d'autres constructeurs, devenant ainsi le premier grand fournisseur de moteurs automobile. Entre 1895 et 1905, plus de 30 000 exemplaires de ce moteur sont fabriqués et installés dans des véhicules à travers l'Europe et les États-Unis.
L'héritage technique du moteur De Dion-Bouton se manifeste particulièrement dans le concept du "moteur haute vitesse". Avant son introduction, la plupart des moteurs fonctionnaient à bas régime, généralement moins de 500 tr/min. En démontrant qu'un moteur pouvait fonctionner de manière fiable à des régimes plus élevés, De Dion-Bouton ouvre la voie aux moteurs modernes à haut régime, permettant d'obtenir davantage de puissance à partir de cylindrées plus modestes.
L'évolution des moteurs diesel : de rudolf diesel à l'ère moderne
L'histoire du moteur diesel représente un chapitre fascinant dans l'évolution des groupes motopropulseurs. Née d'une approche théorique rigoureuse, cette technologie a progressivement conquis de nombreux segments du marché automobile grâce à son efficacité énergétique supérieure. Contrairement au développement plus empirique des premiers moteurs à essence, le moteur diesel est le fruit d'une démarche scientifique délibérée visant à créer un moteur au rendement thermodynamique optimal. Cette quête d'efficience, initiée par Rudolf Diesel à la fin du XIXe siècle, continue d'influencer l'évolution des motorisations contemporaines.
Le parcours du moteur diesel illustre parfaitement comment une technologie peut évoluer pour s'adapter aux exigences changeantes de la société. D'abord cantonnée aux applications industrielles et aux poids lourds en raison de sa robustesse mais aussi de son poids important, cette motorisation a progressivement conquis le marché des véhicules particuliers grâce à des innovations successives qui ont amélioré ses performances tout en réduisant ses inconvénients initiaux. Ce développement s'est accéléré particulièrement après les chocs pétroliers des années 1970, lorsque l'efficacité énergétique est devenue une préoccupation majeure.
Le brevet révolutionnaire de rudolf diesel (1893) : principes thermodynamiques fondamentaux
En 1893, l'ingénieur allemand Rudolf Diesel dépose un brevet qui va transformer fondamentalement l'industrie des moteurs. Contrairement à ses prédécesseurs qui cherchaient principalement à améliorer les moteurs existants, Diesel adopte une approche radicalement différente. Formé à l'École polytechnique de Munich et influencé par les travaux de Sadi Carnot sur la thermodynamique, il cherche à créer un moteur qui se rapprocherait du cycle théorique idéal, maximisant ainsi le rendement énergétique.
La conception originale de Diesel repose sur plusieurs principes novateurs : une compression très élevée de l'air (jusqu'à 35 bars contre environ 10 bars pour les moteurs à essence de l'époque), l'injection directe du carburant dans la chambre de combustion, et l'auto-inflammation du carburant sans recours à un système d'allumage externe. Le taux de compression
élevé génère suffisamment de chaleur pour enflammer spontanément le carburant lorsqu'il est injecté
Le premier prototype fonctionnel du moteur Diesel voit le jour en 1897, au terme de quatre années d'expérimentations intensives menées avec le soutien financier de la société MAN (Maschinenfabrik Augsburg-Nürnberg). Ce moteur monocylindre atteint un rendement de 26,2%, un chiffre révolutionnaire pour l'époque qui valide les théories de Diesel. Avec un alésage de 250 mm et une course de 400 mm, ce moteur imposant développe une puissance de 20 chevaux à seulement 172 tr/min, démontrant le potentiel énorme de cette nouvelle approche.
Initialement conçu pour fonctionner avec divers combustibles, y compris des huiles végétales (Diesel avait notamment testé l'huile d'arachide), le moteur s'est rapidement orienté vers l'utilisation du gazole, un dérivé du pétrole moins raffiné et moins volatile que l'essence. Cette polyvalence en matière de carburant constituait l'un des avantages conceptuels du moteur Diesel, même si l'industrie pétrolière standardisera progressivement les carburants utilisés.
L'adoption industrielle du diesel par peugeot et citroën dans les années 1930
Pendant plusieurs décennies, les moteurs diesel restent confinés aux applications industrielles, marines et ferroviaires, en raison de leur poids élevé et de leur faible puissance spécifique. Les premières tentatives d'application automobile remontent aux années 1920, mais c'est au cours des années 1930 que les constructeurs européens, notamment français, commencent à explorer sérieusement cette voie pour les véhicules particuliers.
Peugeot fait figure de pionnier en Europe en présentant en 1936 la 402 Diesel, équipée d'un moteur CLM (Compagnie Lilloise de Moteurs) de 2,3 litres développant 55 chevaux. Cette berline constitue l'une des premières tentatives d'introduction du diesel dans le segment des voitures particulières. Bien que ses performances soient modestes comparées aux versions essence, son rendement supérieur et sa consommation réduite annoncent déjà les avantages qui feront plus tard le succès du diesel automobile.
Citroën s'engage également dans cette voie avec la Rosalie Diesel, qui intègre un moteur diesel développé par la société anglaise Ricardo. Ces premiers diesels automobiles se caractérisent par un excès de poids, des vibrations importantes et un niveau sonore élevé, mais démontrent déjà l'avantage économique de cette motorisation. La Seconde Guerre mondiale interrompt temporairement ces développements, mais les fondations sont posées pour l'essor futur du diesel dans l'automobile.
Le diesel automobile est né d'une conviction : celle que l'efficience énergétique supérieure du cycle diesel pouvait compenser les inconvénients initiaux de cette technologie pour les applications routières, anticipant ainsi une préoccupation qui deviendra centrale dans l'industrie automobile plusieurs décennies plus tard.
L'injection directe common rail : l'innovation Fiat-Magneti marelli des années 1990
La véritable révolution du diesel automobile intervient dans les années 1990 avec l'avènement de l'injection directe à rampe commune, communément appelée "common rail". Développée initialement par Fiat en collaboration avec Magneti Marelli et le centre de recherche Elasis, cette technologie transforme radicalement les performances et la perception du moteur diesel dans le domaine automobile.
Le système common rail repose sur un principe fondamental : la séparation de la génération de la haute pression et de l'injection proprement dite. Une pompe haute pression alimente en continu une rampe commune (le "rail") qui maintient le carburant à une pression très élevée (jusqu'à 1600 bars dans les premiers systèmes, dépassant 2500 bars dans les versions modernes). Des injecteurs électromagnétiques, puis piézoélectriques, permettent un contrôle précis du début et de la durée de l'injection, voire de réaliser des injections multiples au cours d'un même cycle.
Fiat présente cette technologie sur l'Alfa Romeo 156 JTD en 1997, marquant ainsi un tournant dans l'histoire du diesel. Les avantages sont immédiats : augmentation significative de la puissance spécifique, réduction de la consommation, diminution du bruit et des vibrations, et amélioration du comportement à froid. Le groupe Volkswagen développe parallèlement sa propre technologie d'injection directe avec le système "pompe-injecteur" (TDI), qui connaît également un grand succès commercial avant d'être progressivement remplacé par le common rail.
Les normes euro et la transformation technique des moteurs diesel contemporains
L'introduction progressive des normes d'émissions Euro à partir des années 1990 a profondément transformé la conception des moteurs diesel. Face aux exigences de plus en plus strictes en matière de réduction des émissions polluantes (particules, oxydes d'azote, monoxyde de carbone et hydrocarbures imbrûlés), les constructeurs ont dû développer des solutions techniques sophistiquées qui ont considérablement modifié l'architecture des moteurs diesel modernes.
La première évolution majeure a été l'introduction généralisée du turbocompresseur à géométrie variable, qui améliore le remplissage du moteur à tous les régimes et réduit le fameux "temps de réponse" (turbo lag) caractéristique des premiers diesels suralimentés. Parallèlement, les systèmes d'injection ont évolué pour permettre des pressions toujours plus élevées et un contrôle toujours plus précis des injections, avec l'apparition des injections multiples (pré-injection, injection principale, post-injection) qui optimisent la combustion et réduisent les émissions brutes.
Pour répondre aux normes Euro 5 et Euro 6, deux technologies de post-traitement se sont imposées : le filtre à particules (FAP), qui capture mécaniquement les particules fines avant de les éliminer par combustion lors des phases de régénération, et la réduction catalytique sélective (SCR) qui utilise une solution d'urée (AdBlue) pour transformer les oxydes d'azote en azote et en eau. Ces systèmes, combinés à des stratégies de recirculation des gaz d'échappement (EGR), ont permis de réduire drastiquement l'impact environnemental des moteurs diesel, mais au prix d'une complexité et d'un coût accrus.
L'innovation française : de panhard & levassor à renault et peugeot
La France a joué un rôle prépondérant dans le développement des moteurs automobiles, depuis les premiers balbutiements de l'industrie jusqu'aux innovations contemporaines. Dès les années 1890, Panhard & Levassor se distingue non seulement par l'adoption de la licence Daimler mais surtout par l'établissement d'une architecture véhicule qui deviendra la référence mondiale : le "système Panhard" avec moteur avant longitudinal et propulsion arrière. Cette disposition technique, fruit du génie de l'ingénieur Émile Levassor, s'impose rapidement comme standard pour l'ensemble de l'industrie automobile naissante.
Au début du XXe siècle, l'innovation française s'illustre à travers les travaux de Louis Renault, qui développe en 1898 sa première voiturette équipée d'une transmission directe par arbre à cardan, éliminant les chaînes utilisées jusque-là. Plus significativement encore, Renault brevette en 1899 la boîte de vitesses à prise directe, une innovation majeure qui améliore considérablement l'efficacité de la transmission. Ces avancées techniques, combinées à une approche industrielle visionnaire, permettent à Renault de s'imposer rapidement comme l'un des constructeurs automobiles majeurs en Europe.
Dans l'entre-deux-guerres, l'école française de motorisation se distingue par sa créativité technique. Citroën innove avec des moteurs à taux de compression élevé comme le "moteur flottant" de la Traction Avant, tandis que Peugeot développe dès 1931 des moteurs à soupapes en tête assurant un meilleur remplissage et un rendement supérieur. La période voit également l'émergence de concepts audacieux comme le moteur Cotal à distribution électromagnétique ou les expérimentations de Jean-Albert Grégoire sur l'aluminium et les alliages légers pour la construction des blocs moteurs.
L'après-guerre confirme la capacité d'innovation des constructeurs français. Renault développe le bloc "Cléon-Fonte", un quatre cylindres robuste et évolutif qui équipera des millions de véhicules entre 1962 et 2004. Peugeot, de son côté, s'illustre par ses moteurs diesel XD puis XUD, références en matière de fiabilité et d'économie. La collaboration entre Peugeot et Renault aboutit au fameux "moteur Douvrin", produit à plus de 32 millions d'exemplaires. Plus récemment, les moteurs Energy de Renault et les BlueHDI de PSA (maintenant Stellantis) ont démontré que l'innovation française restait à la pointe en matière d'efficience énergétique et de réduction des émissions.
La motorisation japonaise et la révolution de la fiabilité
L'entrée des constructeurs japonais sur le marché mondial à partir des années 1960 a profondément transformé les standards de l'industrie, particulièrement en matière de fiabilité moteur. Arrivés tardivement sur la scène automobile internationale, les constructeurs nippons ont compensé ce retard par une approche méthodique centrée sur la qualité et la durabilité. Toyota, Honda et Nissan ont développé des processus de fabrication rigoureux qui ont établi de nouvelles références en matière de tolérance et de précision d'usinage.
Honda s'est particulièrement distingué par ses innovations en matière de motorisation. Fondée par Soichiro Honda, un passionné de mécanique et ancien fabricant de segments de pistons, la marque a transféré à l'automobile son expertise acquise dans le domaine de la moto. Le moteur CVCC (Compound Vortex Controlled Combustion) introduit en 1973 sur la Civic illustre parfaitement cette approche novatrice : sans utiliser de catalyseur, il respectait déjà les normes d'émissions américaines Clean Air Act de 1970 grâce à un système de préchambre de combustion qui optimisait le mélange air-carburant.
Toyota, de son côté, a révolutionné les processus de production à travers le Toyota Production System, dont les principes de "juste à temps" et d'amélioration continue (Kaizen) ont permis d'atteindre des niveaux de qualité et de constance sans précédent. Cette approche systématique s'est traduite par des moteurs d'une longévité exceptionnelle, comme la série légendaire JZ des années 1990 ou les moteurs VVT-i qui ont démocratisé la distribution à calage variable. Le moteur 2JZ-GTE de la Toyota Supra est devenu emblématique pour sa capacité à supporter des augmentations de puissance considérables sans compromettre sa fiabilité.
Mazda s'est distingué par le développement du moteur rotatif Wankel, acquérant une licence du concept original allemand pour le transformer en motorisation viable pour la production en série. Le moteur 13B équipant la RX-7, puis le Renesis de la RX-8, ont démontré qu'une solution technique radicalement différente pouvait s'imposer commercialement grâce à des qualités spécifiques : compacité, légèreté et capacité à atteindre des régimes élevés. Bien que plus gourmand en carburant que les moteurs à pistons conventionnels, le rotatif Mazda a conquis une niche d'amateurs passionnés grâce à sa sonorité distinctive et son caractère unique.
L'électrification des moteurs : de la toyota prius à la tesla model S
L'électrification des groupes motopropulseurs représente la transformation la plus fondamentale de l'industrie automobile depuis l'invention du moteur à combustion interne. Motivée par la nécessité de réduire l'empreinte environnementale des véhicules et de s'affranchir progressivement de la dépendance aux énergies fossiles, cette révolution s'est amorcée à la fin du XXe siècle et s'accélère considérablement au XXIe siècle, redessinant complètement le paysage technique et industriel de l'automobile.
Cette évolution ne s'est pas faite d'un seul coup mais à travers différentes étapes d'électrification, depuis l'hybridation légère (mild hybrid) jusqu'aux véhicules entièrement électriques, en passant par les hybrides rechargeables (plug-in hybrid). Chaque technologie répond à des contraintes et des usages spécifiques, tout en partageant des composants fondamentaux : moteurs électriques, électronique de puissance et systèmes de stockage d'énergie. L'amélioration continue de ces composants, particulièrement des batteries, constitue la clé de voûte du développement de la mobilité électrifiée.
L'hybridation toyota : le système hybrid synergy drive et son impact mondial
La commercialisation de la Toyota Prius en 1997 au Japon, puis en 2000 à l'échelle mondiale, marque une étape décisive dans l'histoire de la motorisation automobile. Cette berline compacte est le premier véhicule hybride produit en grande série, introduisant le concept d'hybridation complète accessible au grand public. La Prius incarnait une vision à long terme de Toyota, qui avait lancé dès 1993 le "Global 21st Century" project avec pour objectif de développer une voiture offrant une consommation réduite de moitié.
Le système Hybrid Synergy Drive qui équipe la Prius repose sur une architecture dite "série-parallèle" permettant de fonctionner soit en mode purement électrique, soit en combinant moteur thermique et électrique, soit en utilisant uniquement le moteur à combustion. Un ingénieux train épicycloïdal (Power Split Device) assure la répartition optimale de la puissance, tandis qu'un système de récupération d'énergie au freinage recharge la batterie. Cette architecture permet d'optimiser le rendement global du système en faisant fonctionner le moteur thermique dans sa plage de régime la plus efficiente.
Le succès commercial de la Prius, avec plus de 6 millions d'exemplaires vendus à travers quatre générations, a démontré la viabilité économique et technique de l'hybridation. Toyota a progressivement étendu cette technologie à